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Une production de niche Des milliers de chevreaux à engraisser

Ils sont les grands oubliés de la production de fromage de chèvre. Muriel et Anthony Garnier se chargent de leur engraissement, dans un contexte difficile en raison de la crise sanitaire.

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Les trois bâtiments d’élevage sont vides. Ne restent que trois chèvres – Pénélope, Fantômette et Salami – et une brebis. Elles suivent Muriel et Anthony Garnier, mère et fils, lors du tour de leur exploitation, s’arrêtant sur une ronce particulièrement appétissante, pour revenir sur les pas de leurs maîtres. Après la période effrénée du printemps, pendant laquelle il faut nourrir à la louve les chevreaux qui arrivent chaque jour par dizaines sur l’exploitation pour y être engraissés, les bâtiments se sont vidés, la ferme a retrouvé son calme.

Un camion homologué

Ils sont seulement quelques poignées d’exploitants en France à exercer ce métier si particulier d’engraisseurs de cabris. Les autres productions ? L’exploitation n’en a pas. Elle dispose d’une trentaine d’hectares travaillés par un voisin, avec lequel est aussi en place un échange fumier contre paille. Les chevreaux nécessitent uniquement du lait pour leur alimentation, leur élevage est donc totalement hors sol.

 

Les bâtiments restent vides l’été. Au premier plan, l’un des tuyaux qui amènent la paille broyée. Pour éviter les maladies respiratoires chez les chevreaux, ces tuyaux sont dotés d’un système de pulvérisation d’eau qui réduit les poussières. © M. Guillemaud

Ils sont ramassés dans les élevages caprins dans les quelques jours suivant leur naissance. C’est Anthony qui assure la collecte au volant de son camion, dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de l’exploitation de Pierrefitte, dans le nord des Deux-Sèvres. Le circuit est le même de semaine en semaine, les éleveurs chez qui il passe connaissent bien le jour et l’heure. Ils ont simplement indiqué par SMS combien d’animaux il faudrait emporter. « Je les ai habitués à deux passages par semaine », explique Anthony. Selon la réglementation, les chevreaux ne peuvent être transportés que si leur cordon ombilical est sec. « Plus ils sont jeunes, plus ils sont susceptibles d’être stressés, plus le risque de mortalité est grand, poursuit-il. Les trois ou quatre premiers jours sont les plus périlleux. »

Le camion et les cages qui y prennent place sont spécialement conçus pour le transport des cabris. Auparavant, il se faisait dans des cages à volaille. Jusqu’à ce que l’association L214 diffuse une vidéo sur le transport et l’abattage chez Loeul-Piriot. Le procès qui s’en est suivi, et que l’association a gagné en appel, s’est traduit par la fin de la dérogation à la réglementation européenne et l’obligation d’utiliser des cages homologuées. Anthony le reconnaît : « Au début, on râlait parce que ça réduisait le nombre d’animaux dans le camion. Il y a bien une perte de capacité. Mais c’est mieux pour le bien-être animal. » Les chevreaux sont ensuite nourris pendant quatre semaines. Il faut les habituer à prendre la louve. « On les passe un par un, pour leur apprendre », explique Muriel Garnier. Un geste qui doit être répété avec les plusieurs dizaines d’animaux qui arrivent chaque jour au moment le plus intense de l’année, du 20 janvier à Pâques.

 

De juin à septembre, les bâtiments font l’objet d’un grand nettoyage et d’un long vide sanitaire, qui permettront d’accueillir les 13 000 à 14 000 chevreaux de la saison suivante. © M. Guillemaud

Considéré comme un sous-produit de la chèvre

Les cabris seront abattus entre trois et six semaines. « Nous les gardons un peu moins qu’avant, poursuit l’éleveuse. La grille de prix a changé l’année dernière. Elle donne des pénalités selon les calibres. Au-delà de 12 kg vif, les prix diminuent. À 15 kg, les pénalités sont très élevées, le chevreau n’est plus payé que 1 €/kg avec 1,5 € de pénalité. »

Les carcasses sont en partie commercialisées en France au moment de Pâques mais, pour l’essentiel, elles sont exportées vers les pays du sud de l’Europe, Portugal et Italie en tête. Au total, quelque 13 000 animaux passent par l’exploitation entre octobre et mai.

Il faut des cabris pour produire du lait. Les éleveurs de chèvres ont donc optimisé le moment des mises bas pour avoir du lait aux périodes où il est le mieux payé, sans tenir compte de l’activité des engraisseurs. « On aimerait que le chevreau soit un co-produit du lait de chèvre, mais c’est seulement un sous-produit, regrette Anthony Garnier. Il faudrait que les mises bas soient plus étalées, qu’on puisse fournir aussi à Noël quand le marché est demandeur. Aujourd’hui, elles sont concentrées dans le temps et ne correspondent plus à la demande. »

Myriam Guillemaud

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